Notre monde évolue, nous même, au fil du temps, évoluons. Nos capacités cognitives grandissant sans cesse, nous faisons progresser la technologie (dont nous sommes les architectes) à travers de majeures révolutions et avons ainsi créé et perfectionné des choses telles que l'aéronautique, l'automobile, la photo bien sûr et j'en passe. Le sens même d'évolution, d'amélioration, de "nouveau modèle" montre bien que l'on a fait mieux à un instant t que l'on ne l'avait fait à t-1.
Prenons le cas banal du cinéma. En tant qu'observateur / public, notre sensibilité (notre cerveau), se développe et évolue quasiment au même rythme que les progrès technologiques. Ce que nous pensions tellement « réel » en terme d'effets spéciaux il y a à peine quelques années, devient aujourd'hui, « mal fait » et soudainement peu crédible.
De la même manière, la photographie a fait du chemin, ce que l'on croyait matériellement parfait auparavant se fait vite dépasser : optiques, électronique, sensibilité et capteurs, mise au point, miniaturisation, etc. La photographie a évolué de manière fulgurante et il est intéressant de se souvenir que l'on tâtonnait à « figer » des formes fin XVIIIe, début XIXe siècle.
Des preuves qui parmi tant d'autres nous montrent que rien n'est définitivement abouti.
Depuis les débuts, la finalité ultime des fabricants d'appareils photo, papiers photo, en somme de matériels, est de tout mettre en œuvre pour restituer le plus fidèlement possible (sauf exception à but esthétique etc.) la scène que l'on souhaite capturer et fixer dans le temps. Le progrès nous démontre que chaque nouveau cliché réalisé au fil de l'évolution technologique est meilleur que le précédent. Ainsi, les constructeurs savent parfaitement que leurs produits ne sont que le résultat provisoire de contraintes techniques et que le prochain modèle ira plus loin.
Quel est alors l'argumentaire solide que peuvent apporter les photographes tenant les propos suivants : « Je ne retouche pas mes photos car c'est de la triche, seul l'original produit par mon appareil est réel » « Original », « réel », qu'est-ce que le réel, la réalité ? Comment peut-on prétendre capturer la « réalité » alors même que l'appareil, son objectif, son négatif ou son électronique présentent défauts et limites ? Notons aussi, que si le matériel a ses défauts, le photographe est aussi loin d'être infaillible. Rater une photo, parce-que l'on a manqué de vigilance vis-à-vis des « faiblesses » de l'appareil, parce-que l'on a mal estimé la situation et ses contraintes, parce que l'on s'est lamentablement vautré, bref, manquer une photo est une chose qui arrive somme toute régulièrement. C'est vrai aujourd'hui comme cela l'était autrefois. La retouche peut ainsi permettre de sauver quelques clichés de la corbeille — bien qu'une photo totalement floue le demeurera :) —
Ainsi, la question qui se pose à un moment donné pour tous serait :
« Dois-je ou non retoucher mes photos ? »
Nous y voilà, le rôle, la nécessité de la retouche. Je n'irai pas par quatre chemins, la retouche photographique est nécessaire ! J'irais même plus loin, l'acte même de presser sur le déclencheur est une retouche. On vient en effet d'interposer entre nous (notre œil, notre sensibilité, notre cerveau) et la scène un élément non sans défaut : l'appareil photo. Notre réalité, notre perception de celle-ci, est ainsi modifiée par la capacité plus ou moins bonne d'un appareil à la retranscrire. Si l'on souhaite se rapprocher de notre sensation initiale, il faut alors retoucher son cliché.
Personnellement, ces « photographes » qui ne jurent que par la photo « originale », celle brute de leur boitier, en refusant toute forme de retouche, m'agacent. Genre de « cul serrés » qui imaginent que La Photo, c'est celle d'il y a 100 ans, argentique, Noir & Blanc, en mode manuel… Mais où cela est-il inscrit ? Depuis quand La Photographie serait-elle à ancrer dans une époque pour être plus « vraie » ? C'est une plaisanterie, de la nostalgie peut-être ou encore une pseudo manière de se la jouer super-pro (mais ça ne dépasse pas le stade du public qui n'y connait rien — j'espère —). En rien ce n'est un procédé technique meilleur, plus louable ou que sais-je de la photographie en tant que telle.
Pensez-vous honnêtement que les photographes de « l'époque » ne retouchaient pas leurs photos ?
L'invention même du processus de développement était déjà une forme de retouche : agents chimiques, révélateurs, lumière, solutions, papiers, masques, etc. Chacun avait sa propre méthode de développement, utilisait des filtres (polarisant, dégradés, gris neutre, de couleur — et oui, ce n'est pas parce-que l'on fait du N&B que l'on n'utilise pas la couleur, au contraire… — et même lors du tirage). On pouvait même faire de la retouche avancée, effacer des détails, en rajouter, etc. C'était nettement plus long que de travailler en numérique, mais c'était possible.
Tout est retouche. La pellicule en est une (qualité, sensibilité, etc.), le boitier et l'optique en sont une autre. Pire encore, que dire de notre cerveau puisque chacun perçoit une scène à sa manière ? En argentique (comme en numérique), les photographes travaillent et retouchent leur clichés pour contourner des limitations matérielles, pour toucher et atteindre leur sensibilité et/ou celle des autres. Alors quand j'entends dire et prôner que « les grand maîtres » étaient dans le vrai, faisaient de La Photo, quand je vois des personnes persuadées que ces derniers pressaient le déclencheur pour avoir The Picture, ça me rend triste tant ils sont dans l'erreur.
Tout ce qui peut venir s'interposer entre le sujet et notre perception est une forme de retouche, c'est sans fin, cette phrase a t-elle elle-même un sens ?
Allons plus loin, qu'est-ce qu'une photo « réelle » ? De quel droit a t-on décidé qu'une photo capturée est une photo brute ? C'est purement un raccourci, une échappatoire. Elle est brute dans l'unique référentiel de l'appareil lui même.
Après tout, pourquoi un appareil, dont les limites (plage dynamique, dégradation optique, etc.) sont parfaitement connues serait décrété comme étant capable de saisir l'instant de manière brute… fidèle ? Et puis chaque appareil, chaque constructeur, le fait à sa manière, alors lequel est dans le vrai ?
Le plus amusant, c'est que parmi ces mêmes personnes en quête de l'original, se trouvent certaines qui aiment à acheter un nouvel appareil, qui sera meilleur, pour mieux capturer le « réel », quel aveu caché ! Quel paradoxe ! Pire au contraire, d'autres ne peuvent considérer la photo que dans l'ultime finalité de posséder un vieux boitier, avec un objectif qui vignette, salope la photo : qui retouche la photo ! Mais cette considération ne leur vient pas à l'esprit.
Quel soit disant « mal » à retoucher une photo après l'avoir prise alors que tant de retouches sont venues s'appliquer (sans donner la moindre alternative) avant et pendant ? Y-a t-il quelconque honte à retoucher une photo pour tenter de lui redonner l'aspect que vous aviez de la scène en la vivant ?
Parmi les règles établies de la photographie, on considère en général qu'une image bien exposée correspondrait à un gris 18%. C'est ce que l'on apprend aux automatismes d'un appareil photo. Mais souvent, lorsque l'on prend de la neige en photo, le résultat est tout gris… « Pourtant je ne suis pas fou, je l'avais bien vue blanche ! » Voilà ici un parfait exemple de défaut de la photo (sans parler de la distorsion, des aberrations chromatiques, de la plage dynamique, du vignettage, etc.) imputable à l'avancée actuelle de notre technologie. On peut corriger depuis l'appareil bien sûr pour contourner cette situation, on peut aussi le faire depuis un bain révélateur ou un ordinateur. Mais tiens… : j'ai dit que l'on pouvait corriger depuis l'appareil… Tremblement de terre ! « Je peux retoucher depuis l'appareil ? C'est vrai, il a toute une flopée de réglages ! Mais alors qu'elle est la véritable image ? » L'appareil photo est l'aveu même du principe de retouche…
P.-S. : si l'on veut être tatillon au sujet du blanc, dans le cas de la neige, notre esprit nous dit qu'elle est blanche, la « conversion » est implicite pour nous, mais en fait elle a la couleur de son environnement, un bleu dû au ciel, plus ou moins lumineux.
Le problème, c'est que la retouche est souvent cachée, notamment en France, c'est un peu chasse gardée : « surtout je ne vais rien partager, rien apprendre aux autres… on ne sait jamais ». C'est un côté bien pourri de la profession qui me donne vraiment la nausée.
Entre numérique et argentique, serait-il tabou de retoucher sa photo sur un ordinateur plutôt que de la retoucher dans un bain révélateur ? Non, c'est pareil. Il faut savoir évoluer avec les technologies. Petit rappel, c'est l'Homme (nous), qui crée ces technologies… si on refuse de les utiliser, on a un problème…
Maintenant, je tiens à clarifier ma position sur le point suivant :
Qu'un photographe me dise qu'il utilise tels et tels appareils, objectifs, pellicules, etc. pour obtenir tel ou tel type de rendu « immédiatement », car cela évitera des traitements supplémentaires, parce-que ça coûtera moins cher qu'un banc de post-production ; parce-qu'au contraire, bien que plus cher, c'est nécessaire à la production même etc., je n'ai rien contre cette personne ! Toute recherche esthétique se défend, mais s'il s'avise de me balancer un truc du genre « c'est plus vrai », je bous ! Dérive purement psychologique d'un besoin d'attachement à une période de l'histoire.
Rassurez-moi, personne ne pense « qu'avant », on voyait la vie en noir et blanc hein ? Non parce-que je vous jure, les photographes de l'époque auraient bien voulu avoir la photo couleur… d'ailleurs, on l'a inventée ! Personne non plus, ne voyait la vie comme avec des œillères (gros vignettage), c'est un problème technique des objectifs et les constructeurs se battent pour l'annuler. D'ailleurs, je suis sûr que certains ingénieurs doivent perdre tout sens moral quand ils voient combien certaines personnes usent et abusent du vignettage sur toutes leurs photos (bon pas de doute, elles n'ont rien contre la retouche…). La seconde guerre mondiale n'a pas été vécue avec des couleurs délavées, verdâtres et un fort contraste, elle était comme nous voyons aujourd'hui, comme nous avons toujours vu.
Il y a chez l'Homme un besoin important de fixer une scène dans son époque. Le cinéma et la photo utilisent ainsi des techniques de traitement qui permettent de situer une scène dans son contexte historique, passé, présent, futur (on tente de se projeter). Ainsi par exemple, on peut « dégrader » l'image, par la teinte, le contraste, les poussières, le matériel, etc. pour évoquer le rendu et l'esthétique des images de l'époque. Il en va de même pour le son ! Sans cela, nous ne pourrions adhérer et accepter comme « crédible » ce qui a pourtant été vécu exactement comme nous aujourd'hui, à travers les mêmes facultés visuelles.
Ce besoin psychologique est si fort que l'on ne pourrait envisager un film de la seconde guerre, pour rester dans le domaine, avec des couleurs aussi fidèles que possibles à notre vision. Pour nous, il y aurait un décalage entre « notre réalité, nos couleurs » et le passé, qui était pourtant identique, mais que nous souhaitons voir différemment sans quoi on ne comprend pas. Le traitement de l'image, la retouche, est chose obligatoire, que cela débute par un choix de matériel dont les caractéristiques (et défauts) permettent un résultat rapide et efficace, ou par le post-traitement.
Ce qui me guide, c'est la sensibilité, notre propre manière de voir, de « vouloir » voir, ou dont il nous semble avoir vu la scène. C'est cela qu'il faut mettre en avant.
Depuis quand doit-on limiter notre sensibilité à du matériel ?
Chaque personne travaille et ressent à sa façon, dans mon cas, la retouche est vraiment un moyen d'améliorer la photo est respectant des limites bien claires : cela doit demeurer crédible à l'œil, à la sensibilité. Je ne retouche jamais dans l'extrême, l'exagération, exceptions possibles bien entendu.
Plus l'image sera efficacement capturée moins cela nécessitera de traitements, mais dans la majeure partie des cas, les traitements demeureront toujours nécessaires, même si l'on est un maître photographe. C'est ainsi, c'est matériel, c'est propre à chacun, et ça ne changera jamais.
Ne rien retoucher, c'est s'enfermer dans un concept ignare et erroné de la photographie, c'est dommage, autant pour le photographe que pour la personne qui regarde la photo.
Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit… Certains n'ont ni le désir, ni le temps, ni le besoin de retoucher et personne ne peut et n'a le droit de leur en vouloir. Revendiquer ne pas retoucher, c'est autre chose… encore faut-il l'argumenter !
Notons que je considère trois formes de post-traitements :
- La retouche simple : on va dire qu'elle se limite à la « chromie » des pixels (en numérique) ; exposition, contraste, luminosité, couleur, etc. C'est elle, qui à mon avis et par expérience, est nécessaire dans 95% des cas.
- La retouche avancée : plus « contestable », elle va consister à modifier l'aspect de l'image en allant plus loin que la simple chromie. On peut ainsi effacer des poussières qui auraient été présentes sur le capteur, corriger la déformation probablement causée par l'objectif, effacer un brin d'herbe disgracieux qui pourrait gêner la lecture de l'image, etc.
- Le photo-montage : pour ce dernier j'apprécie qu'il soit signalé car il s'agit de créer une nouvelle image (souvent à partir d'autres) en rien comparable avec « l'originale ». Je tends d'ailleurs à ranger la retouche avancée de mannequins dans cette section.
Si le post est un peu long, j'en conviens, c'est que j'estimais nécessaire pour le lancement de ma fonctionnalité de comparaison avant/après traitement sur ce Blog, de clairement établir mon point de vue sur la retouche photo. L'accès à cette nouvelle fonctionnalité est réservé aux membres du blog (gratuit bien entendu) désormais totalement libre. J'espère que les visiteurs auront préalablement pris le temps de réfléchir sur cette notion de retouche. J'aimerais favoriser l'échange entre nous, avoir le plaisir de lire vos points de vue sur les images, leur traitement, répondre à vos interrogations, etc.
Vous pouvez tout de suite essayer la fonction de comparaison sur l'image qui illustre ce post, ci-dessus.
Je ne retouche pas mes photos car c’est de la triche, seul l’original produit par mon appareil est réel
Pensez-vous honnêtement que les photographes de « l'époque » ne retouchaient pas leurs photos ?
Ces « photographes » qui ne jurent que par la photo « originale », celle brute de leur boitier, en refusant toute forme de retouche, m'agacent. Genre de « cul serrés » qui imaginent que La Photo, c'est celle d'il y a 100 ans, argentique, Noir & Blanc, en mode manuel… Mais où cela est-il inscrit ? Depuis quand La Photographie serait-elle à ancrer dans une époque pour être plus « vraie » ?
Mais qu'un photographe me dise qu'il utilise tels et tels appareils, objectifs, pellicules, etc. pour obtenir tel ou tel type de rendu « immédiatement » […], je n'ai rien contre cette personne ! Toute recherche esthétique se défend, mais s'il s'avise de me balancer un truc du genre « c'est plus vrai », je bous ! Dérive purement psychologique d'un besoin d'attachement à une période de l'histoire.
Rassurez-moi, personne ne pense « qu'avant », on voyait la vie en noir et blanc hein ? Non parce-que je vous jure, les photographes de l'époque auraient bien voulu avoir la photo couleur… d'ailleurs, on l'a inventée !
Ne rien retoucher, c'est s'enfermer dans un concept ignare et erroné de la photographie, c'est dommage, autant pour le photographe que pour la personne qui regarde la photo. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit… Certains n'ont ni le désir, ni le temps, ni le besoin de retoucher et personne ne peut et n'a le droit de leur en vouloir.
Revendiquer ne pas retoucher, c'est autre chose… encore faut-il l'argumenter !
Synthèse, pour relancer le débat :
- Depuis quand La Photographie serait-elle à ancrer dans une époque pour être plus « vraie » ?
- Rien n'est parfait et certainement pas nos appareil photos.
- Qu'est-ce qu'une photo « réelle » ?
- De quel droit a t-on décidé qu'une photo capturée est une photo brute ?
- Une photographie est brute dans l'unique référentiel de l'appareil lui même.
- Interposer entre nous et la scène un élément non sans défaut : l'appareil photo, constitue une première retouche de la « réalité ».
- De fait, la retouche (matérielle comme logicielle) est nécessaire pour satisfaire notre vision, sensibilité, un souvenir de la scène, un besoin esthétique, etc.
- Personne n'est contraint à retoucher.
- […]
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